La plus belle rivière de France aurait
dit Marguerite de Navarre, à l'issue d'un séjour à
Nantes et à la Gascherie.
Sous le premier Empire, sa nature change, la construction de l'écluse
au confluent de la Loire entraîne la montée des eaux de la
rivière qui s'élargit considérablement et lui donne
le caractère unique du plan d'eau que nous connaissons. A cette
époque se multiplient les belles propriétés qui contribuent
à sa beauté, remarquable lorsque l'on s'y promène
en
bateau.
Les grandes péniches des mariniers empruntent l'Erdre (reliée
au canal de Nantes à Brest), à la voile faute de chemin
de halage. A la Poterie, le cavalier suivi des chiens Levesque montent
à bord d'une grande barque, puis force ces jeunes chiens à
nager sans réticence ; ainsi entraînés pour les nombreux
bât-l'eau en perspective dans les étangs de la forêt
de Vioreau. Le Roro n'admet pas de voir ses chiens rester sur la rive
à contempler un chevreuil nageant en solitaire.
L'Erdre est un lieu privilégié pour pratiquer la voile de
plaisance; berceau du prestigieux club du Sport Nautique de l'Ouest (S.N.O)
qui compte aujourd'hui une quarantaine de champions.
La beauté de l'Erdre n'est pas inconnue de Louis Auguste Levesque.
Son épouse Anne Clémence Blon hérite de la Chantrerie
en 1857. Il acquiert la Poterie juste en face en 1863.

Equipage de Vioreau embarqué sur l'Erdre
au fond, château de La Gascherie (à l'époque Poydras
de la Lande)
Il donne le ton dès le
début de la plaisance nantaise en régatant le 25Avril 1859
sur l'Erdre avec son dériveur Nini, son fils Louis Arthur sur Electrique
puis sur Alouette et Viviane* en 1885. Ses deux autres fils Jules et Rogatien
sur Tracassin* et Vezon* entre 1887 et 1907, sur Vétille* dernier
voilier de course de Jules qui remporte les régates de l'Erdre
de septembre 1900 et 1901.
L'activité nautique reprend entre les deux guerres avec les quillards,
6,5m ou monotypes de la Loire. Donné par Pierre Levesque aux Scouts
marins dont fait partie son fils Pierre-Louis,

Alouette et Viviane, sur l'Erdre en 1885
Viviane est toujours là.
Puis sous l'occupation, les Moth nantais font leur apparition en 1941,
construits dans les caves ou les greniers par Bertrand, Claude, Hubert
Levesque, Loik Le Bec et bien d'autres de leurs amis nantais.
Grâce au Moth, le SNO vit ces journées de régates
comme le rayon de soleil de ces tristes années.
A La Charlière Claude et Bertrand naviguent sur leur canoë
canadien doté d'une voile latine. Ils regagnent l'Erdre par le
petit affluent l'Hocmard. Entre autres balades, ils apportent des paniers
de pêches de vigne aux soldats anglais stationnés à
Port Jean près du SNO en septembre 1939.
A La Poterie, vivait encore un lourd canot métallique nommé
'le canot jaune' datant de Rogatien Levesque et qui avait son pareil sur
l'étang des Forges de Paimpont. |
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Antoine Levesque raconte : en 1944, avec
ses parents et frères, ils traversaient l'Erdre pour assister
à la messe à la chapelle de La Chantrerie ; survient à
très faible hauteur, dans l'axe de l'Erdre, un chasseur anglais
qui se fait mitrailler par un tir allemand en provenance de la Gascherie.
Les projectiles explosifs provoquent une pluie d'éclats au-dessus
d'eux... Heureusement sans dommage... Cette même année,
les alliés s'approchant de l'Ouest, les anglais bombardent le
petit pont près de la Charlière pour couper la ligne de
chemin de fer, puis La Gascherie où les Allemands ont installé
leur quartier général d'approvisionnement.
Le canot jaune très stable est la plate forme idéale pour
se baigner. Le grand Patrick Levesque plonge sous le regard de ses frères.
Quel souffle a-t-il donc pour ne pas réapparaître rapidement
!
Trop piqué, son plongeon le plante dans la vase et s'en extraire
n'est pas facile ; il ressort enfin, méconnaissable !!!

De la berge de La Poterie,
la famille Levesque manipule un filet de pêche
La péniche transportant du bois vogue à la voile.
En face, La Chantrerie.
C'est un étonnant spectacle que
l'Erdre gelée recouverte d'une couche de neige en 1956,
confondue avec le reste du paysage, elle n'existe plus...Ou bien en
1962, piste d'essai de nombreuses voitures nantaises qui empruntent
ce grand boulevard pour s'exercer à des glissades non contrôlées.
Les pauvres barques en bois amarrées au bord, piégées
dans la glace, en ont le flanc pulvérisé. Ou encore l'Erdre
sortant de son lit, recouvrant la quasi totalité de la prairie
de La Poterie.
Après la guerre, les passionnés du SNO sont heureux de
se retrouver pour régater avec enthousiasme sur les Moths nantais
déjà nombreux. Le club redevient très actif avec
l'arrivée de nouvelles séries comme le Caneton, le 505,
le Simplet, Vaurien et Mousse de conception adaptée au contreplaqué,
avant le polyester (1960) pour le 420, le 470 et le Moth Europe entre
autres. Toutes ces séries connues des Levesque de la Poterie.
Le SNO étant installé sur la rive opposée, c'est
en bateau qu'ils rejoignent le club pour participer aux régates.
Pas toujours bien à l'heure... par défaut de vent ! Le
jury indulgent les inscrit d'office et retarde le départ des
quelques minutes indispensables pour qu'ils atteignent la ligne !
Parmi les nombreuses régates courues, il y a la fête du
SNO en juin 1970 : épreuve de trois heures pour 78 concurrents
de toutes séries. La famille bien représentée est
à l'honneur : vainqueur toutes catégories et de leur série
505,Bruno et Gilles, suivis d'Antoine et Xavier, tandis que Michel remporte
le prix de la série des solitaires Moth Europe.
Autre épreuve : les éliminatoires entre deux Simplets,
sélection obligatoire avant championnat. Michel et Xavier gagnent
cette sélection mais, ne pouvant être conduits à
ce championnat, la place est cédée à leur concurrent
Marc Bouet (devenu célèbre régatier.)
Le charme enchanteur de l'Erdre ne laisse pas indifférents aujourd'hui,
les nombreux passagers des 'bateaux-mouches' nantais, les embarcations
de toutes sortes qui s'y
promènent inlassablement et les voiliers qui fleurissent ce bel
espace.
Vetille et Vezon ressuscités font encore partie de ceux-là.
Par
Michel Levesque
Tél. 02 40 62 51 63
mslevesque@wanadoo.fr
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